lundi 10 septembre 2012

jeudi 6 septembre 2012

Relire Critique du rythme en 2012

« Relire Critique du rythme en 2012 », Triages n° 24, Saint-Benoît-du-Sault, éditions Tarabuste, p. 123-128.

Nota Bene: comme la revue n'a pas publié les notes de bas de page certes nombreuses, je donne ci-dessous le texte intégral avec ses notes.








Relire Critique du rythme (1982) en 2012
par Serge Martin

Seul le poème peut nous mettre en voix, nous faire passer de voix en voix, faire de nous une écoute.

Henri Meschonnic[1]

Laurent Jenny rendant compte du livre de Philippe Jousset, Anthropologie du style, double son commentaire critique d’une (reprise de) lecture de Critique du rythme d’Henri Meschonnic, en associant les deux livres parce que « l’appel à une anthropologie du style a toujours le sens d’un combat contre la rhétorisation du style[2] ». Jenny ajoute que cette anthropologisation « par les littéraires […] constitue une auto-injonction à restituer au style littéraire une valeur non seulement sémiotique mais aussi créative et pragmatique ». Toutefois, il reproche à l’un et à l’autre de ne pas « dépasser un stade purement programmatique » et en conclut qu’ils « rencontrent sans doute le même type d’impasses ». Il est intéressant d’observer de près ce que Jenny (re)lit de Meschonnic « au-delà de plus d’un quart de siècle d’histoire » et dans « une époque théorique différente ». Trois reproches se succèdent : le « manque de progression argumentative » qui relèverait d’une incapacité à conduire jusqu’au bout le programme fixé, c’est-à-dire de fournir une méthode à la théorie ; inscrit dans une pensée du continu et nourri de « présupposés monistes », la théorie de Meschonnic résoudrait les dualismes « par un trait d’union synthématique […], relevant plus de l’incantation de continuité que de son articulation conceptuelle » ; enfin, l’échec à « faire se rejoindre » signifiance et sens puisque la signification aurait été dédoublée « en deux régions » qui contrediraient l’hypothèse continuiste et moniste et empêcheraient toute méthode compréhensive au risque même de promouvoir l’insensé. Jenny ne manque pas de cohérence d’autant plus qu’il vise « une stylistique phénoménologique » qu’accompagnerait « le développement de sa méthode ». Toutefois, il me semble que Jenny ne lit pas de très près Critique du rythme en usant d’une méthode critique fort contestable puisqu’il défait la « progression argumentative » de Meschonnic. En effet, les deux citations qu’il relève (p. 98 et p. 102) pour attester chez Meschonnic de la construction d’un « sub-symbolique » ou d’« une sorte de pré-sens dépourvu lui-même de sens, une "signifiance" suspendant tout signifié, un sujet d’avant le sujet », sont très clairement sorties de leur contexte. Elles montrent que Jenny se refuse à considérer les problèmes que Meschonnic entretient en regard et de l’herméneutique dont Jenny se réclame naturellement et de la phénoménologie que Jenny revendique comme épistémologie de la critique littéraire. Certes Jenny engage une critique (des lectures) de Merleau-Ponty dont la réflexion sur le langage « est restée inachevée » d’autant que sa « philosophie du style n’est pas une stylistique », au sens d’une « méthodologie du style » puisque Jenny veut que « description » et « formalisation » servent à élaborer une méthode.
Jenny prend donc appui sur deux courts extraits du long essai « L’enjeu de la théorie du rythme » (p. 65-115) pris à sa septième section (« Le rythme avant le sens », p. 98-105) qui précède la dernière (« 8. Le discours, non la langue ») dans Critique du rythme, où il ne faut pas prendre le titre comme une définition arrêtée du rythme – il n’y en a d’ailleurs jamais dans l’œuvre de Meschonnic qui sait très bien comme le rappelle Jenny à l’encontre de Charles Bally et de la « nouvelle doxa théorique » en stylistique que la modélisation ou « la réduction stylistique nous fait glisser de la variation à la variante » perdant avec le « symptôme d’appartenance » la vertu du « processus de sens ».
Après avoir ancré le processus de subjectivation dans l’attention à l’individuation dans et par le langage et en ayant refusé le cadre fonctionnaliste qui déshistoricise les processus d’individuation et ignore les fonctionnements au profit d’universaux, Meschonnic fait un rappel très éclairant des modes de l’antériorité que le rythme a toujours suscités en regard des processus de signification et par conséquent d’individuation dans le langage. Avec la notion de rythme, tout le travail de conceptualisation est un travail de dissociation – du rythme et du mètre, entre autres : or Jenny se contente de reprendre des énoncés qui identifient des définitions du rythme que Meschonnic ne reprend pas à son compte puisqu’il précise bien qu’« il y a à distinguer deux antériorités ». Aussi Meschonnic défait-il la critique de Jenny puisqu’il dit lui-même qu’« étant du discours, [le rythme] n’est pas antérieur au discours particulier où il est un autre du sens. S’il y a une antériorité du rythme, elle précède le sens des mots, mais non les mots eux-mêmes. Antériorité seulement à la priorité habituelle du sens » (p. 99). Mais Jenny masque ainsi par sa non-lecture de la progression argumentative le fait qu’il ne veut pas changer de théorie du sens, laquelle est arrimée à l’herméneutique qui effectivement vise l’interprétation quand Meschonnic veut répondre du fonctionnement continué des œuvres – ce qui n’est pas du tout le même point de vue sur la littérature et la société. La démarche de Meschonnic n’intègre pas une analytique de la description explicitant sa méthode quand un peu plus loin il montre que sa recherche est d’abord une critique qui travaille son rapport à ce qui l’engage : « Avant les mots, avant la compréhension du sens, avant l’individu, et pourtant dans son discours, le rythme est l’involontaire » (p. 101). La conjonction renversive (« et pourtant ») relance le problème jusqu’à sa reformulation : « c’est la parabole à théoriser de l’inconnu dans le sujet, que fait le poème, le rythme » (p. 102).
Jenny se refuse à voir que « le rythme » n’est pas un élément du fait littéraire qui participerait éventuellement d’une prise méthodologique dans une compréhension-interprétation. Pour Meschonnic, le rythme est un opérateur de la pensée du langage et même un équivalent de la visée non d’un discours sur mais d’un discours avec, dans et par, le poème puisque l’apposition ici est bien autre chose que ce que Jenny signale comme un exemple de la « chaîne de synonymies » qu’il lit chez Meschonnic pour suggérer un impossible de la théorisation parce qu’aucun concept n’y serait stabilisé. Puisque Jenny reproche à Meschonnic de poser le rythme comme antériorité, ce dernier répond justement que « le rythme est de tout le discours, et de tout discours, comme le sens » (p. 109), après avoir observé chez Valéry une telle « antériorité sans contrôle » qui « l’a mené à une sémantique de l’ambiguïté » et à « une théorie négative du sujet » qui « tourne court » parce qu’elle se cristallise dans l’impersonnel du il s’achevant dans une hétérogénéité essentialisée de l’histoire et de la poésie.
Aussi, me semble-t-il,  Jenny ne veut pas considérer le fait que, dans l’argumentation de Meschonnic, le rythme comme « disposition, organisation de la signifiance » (p. 115) ne se conceptualise qu’en reconnaissant l’historicité des discours, y compris du discours sur le rythme où la critique en dit plus long sur son propre discours que sur son objet. Jenny assimile la théorie à la recherche d’une méthode quand Meschonnic ne cesse de travailler à « une théorie » qui « est une recherche de la théorie. Elle ne peut absolument se confondre avec une théorie, quelle qu’elle soit » puisque, pour lui, « une poétique du discours est un inaccompli théorique » (p. 33).
C’est dans cet « inaccompli » qu’il est possible de continuer à travailler à une pensée du poème toujours à historiciser et non à une méthode qui forcméent aboutir à déshistoriciser la pensée et le poème avec. Si le « rythme » n’est pas une méthode mais qu’au contraire, parce que « la signifiance est infinie », « le primat du rythme contribue à situer le sens dans la non-totalité, dans la non-vérité, dans la non-unité », j’aimerais poursuivre cet « effet critique » (p. 272) en le déplaçant dans le travail d’historicisation de ma propre recherche : du langage à la voix comme prise plus forte et certainement plus serrée bien que l’extension y apparaisse aussi infinie avec la relation[3]. Comme pour Meschonnic, « l’effet critique » ne cesse de jouer et d’obliger à tout reconsidérer, à tout (re)commencer. On pourrait dire que c’est une illusion de la recherche qui ne consiste qu’en reprises, mais on peut aussi hypothéquer que c’est sa chance de ne jamais oublier qu’elle doit travailler sa situation, interroger ses présupposés, observer ses conséquences. La critique n’est pas la revendication d’une méthode – ici je ne me revendique pas du « rythme » – mais l’attention à l’historicité du langage et de la relation. Elle ne cherche pas des applications mais éveille des expériences. Elle ne se satisfait pas du connu mais rebondit avec l’inconnu. Enfin, la critique des dualismes qui nourrissent fréquemment la pensée du langage et de la société, ce qu’on a coutume d’appeler les sciences de l’homme, n’aboutit pas, comme le prétend Jenny, à l’impasse du monisme quand l’empirique, qui « dans son historicité » est « irréductible au tout en deux » (p. 715), comme le rappelle Meschonnic, ne l’est pas plus au tout en un. Voix et relation même « synthématisé » ne font ni un ni deux et pas plus un troisième terme issu d’une quelconque dialectique : leur interpénétration même n’est possible que dans et par leur historicité à l’œuvre, en œuvres de langage, en poèmes dans l’infini de leur réénonciation, de leurs voix et relations, d’un inconnu toujours à venir dans cette interpénétration même. C’est tout l’enjeu d’une critique de la voix et de la relation.

Le dialogisme du poème : l’écoute
Dans un collectif consacré aux « pratiques du discours solitaire au théâtre[4] », les contributeurs notent tous que « le monologue s’avère bien un objet complexe » et plus précisément le « monologique » s’y trouve souvent « lui-même dialogisé, c’est-à-dire pouvant s’éclater non pas dans le resserrement d’une contradiction mais dans l’expansion de multiples voix internes ». Et très directement, les deux directeurs du collectif signalent sans toutefois le préciser qu’ils sont en contradiction avec la doxa bakhtinienne puisque « loin d’être "un", le monologue se révèle protéiforme ; loin d’être une simple forme canonique, il se révèle paradoxal et transgressif, repoussant sans cesse les frontières qui pourraient le définir […] ». Exemplairement, je retiendrai la simple et directe formule du dramaturge Jean Delabroy confiée à Françoise Dubor[5] : « On est constitué de voix… » où s’entend multiplement la pluralisation à l’œuvre dès que voix et plus avant « l’invention déchirante d’une voix », de toute voix, sa pluralité constitutive.
Il est alors nécessaire de rappeler la « critique du monologue[6] » engagée par Meschonnic puisque, plus particulièrement depuis Bakhtine[7], « la logique extrême de l’opposition entre la prose et la poésie a fait de la poésie un monologue, et de la prose, matière du dialogue, et du roman[8] » (p. 447). Aussi, je me contente de rappeler que pour Meschonnic, le monologue « n’est pas plus solitaire que l’individu n’est asocial. Le dialogisme est de tout le langage[9] » (p. 454). Ce principe dialogique comme universel du langage n’est donc pas propre à la littérature mais il implique particulièrement quant à celle-ci le continu de l’énonciation à la socialisation, comme activité relationnelle construisant le rapport social ou le commun, et « l’inter-subjectif essentiel au langage », c’est-à-dire le fait qu’il n’y a « pas de poésie du je qui ne soit par là-même une poésie du tu, de la réciprocité qu’est la personne » (p. 455) [10]. Aussi Meschonnic rappelle-t-il ce qui peut-être est valable pour toute œuvre littéraire comme relation dialogique intersubjective et transsubjective :
Le dialogisme du poème est à la fois une position du sujet de l’énonciation et du sujet de la lecture, tous deux mutuellement impliqués d’une manière que le poème invente, qui lui est propre. (p. 456)
Un tel dialogisme n’engage aucune typologie ou topologie puisqu’il s’agit plus d’un principe actif, d’une force[11] ou encore de l’interpénétration qu’évoquait Humboldt[12]. Et quand Meschonnic pose qu’« un poème convoque directement un dialogue. Il le présente sans le représenter » (p. 456), une telle remarque ne se limite pas au genre, la poésie, mais demande d’être historicisée chaque fois en poésie ou en roman, voire en théâtre et partout ailleurs comme « la question même de l’altérité », « le délitement de cette notion unitaire d’identité, et conséquemment de la notion même de personnage, et du présupposé d’une définition fictive de la persona représentée, ainsi comme disloquée sous le flot d’une parole s’auto-engendrant », ainsi que le résument Dubor et Triau pour ce qui concerne le monologue au théâtre[13].
Il ne faudrait toutefois pas confondre un tel principe dialogique avec certaines manifestations du retour du sujet en littérature voire du retour de « l’Autre », ce qu’on a pu appeler « le pôle de l’altérité[14] ». Aussi, avec ce premier point d’appui sur la Critique du rythme, j’associerai volontiers non « la question même de l’altérité » ni « la question du sujet » mais « le primat de la subjectivité » (p. 498) dans les œuvres comme subjectivation relationnelle au travail dès que poème.

La subjectivation avec le poème : la relation
À l’occasion d’une réflexion sur la voix, Meschonnic se risque décisivement à une théorie du sujet dans et par le langage. Auparavant, l’ancrage dans une théorie du discours référée principalement à Benveniste mais également à sa propre activité de poète et de traducteur, a permis de défaire « l’ancienne tripartition » (« qui mettait le lyrisme dans le je, représentait le drame avec le tu, renvoyait l’épopée au il »)  en posant que « le je est l’impersonnel subjectif, étant, outre la "première" personne, l’échange de la fonction de sujet » (p. 102) [15]. Cet ancrage décisif est intervenu au moment même où « le structuralisme est allé vers l’oubli de la voix[16] » (p. 275). Certes depuis lors, on aurait largement retrouvé la voix – j’y reviens dans cette première partie –, sans toutefois lui donner sa force critique et souvent même en ignorant la relation qui la constitue. Meschonnic l’écrit en 1982 – et c’est le départ de toute ma recherche : « La voix est relation » (p. 294). Je tente ici de dissocier et de recroiser ces deux notions dans bien des travaux et études littéraires qui ces dernières années se recentrent sur la voix[17] en oubliant souvent Critique du rythme.
Au premier abord, cette étude de Meschonnic est une approche historique puisqu’il s’intéresse aux traditions du dire, comme rapports entre la voix et la diction, comme test d’une oralité à l’œuvre dans le discours et donc d’une subjectivation :
La voix et la diction, dans leur rapport nécessairement étroit, découvrent ceci, que la voix, qui semble l’élément le plus personnel, le plus intime, est, comme le sujet, immédiatement traversée par tout ce qui fait une époque, un milieu, une manière de placer la littérature, et particulièrement la poésie, autant qu’une manière de se placer. Ce n’est pas seulement sa voix qu’on place. C’est une pièce du social, qu’est tout individu. Tous les dualismes se retrouvent dans la voix. Ils se ramènent essentiellement, pour et par le poème comme révélateur, au dualisme de l’intériorité et de l’extériorité, à l’opposition, qui n’est peut-être pas une contradiction, entre l’auteur et le lecteur. (p. 284-285)
Comme souvent chez Meschonnic, le phrasé permet une tenue des interactions qu’il est parfois difficile de suivre mais indispensable de redéployer. La relation nécessaire de la voix à la diction est immédiatement déplacée ou plus emblématiquement portée par la relation de la voix au sujet, lesquels sont consubstantiels : plus il y a de voix et plus il y a de sujet ou plus il y a d’attention à la voix et plus il y a d’attention au sujet et inversement. Si l’antinomie de l’individu et du social est ensuite récusée au profit d’un continu dont la voix témoigne parce que l’individuation y est fondamentalement sociale comme chez Marcel Mauss significativement évoqué par Meschonnic[18], c’est aussi la série des dualismes qui généralement s’en suivent et d’abord celui de l’intériorité et de l’extériorité ou pour le dire autrement, dès que littérature, le topos de l’expression si ce n’est de l’expressivité qui se voient également contesté. De même l’opposition de l’auteur au lecteur et donc les catégories depuis lors fondatrices de doxa telles que « l’horizon d’attente[19] » ou plus anciennes autour de l’inspiration, sont également contestées, du moins révélées par la relation forte de la voix au poème comme autant de représentations culturelles d’époque. Il n’y a pas la prétention à définir la voix autrement qu’en travaillant sans cesse à ce qui en fait le fonctionnement dans les œuvres : son continu avec le sujet, le rythme, la prosodie. Mais chez Meschonnic il y a aussi cette attention forte aux historicités, qu’il s’agisse des aires culturelles et linguistiques les plus diverses, et concomitamment la visée anthropologique d’un universel du langage. Ce qu’il met en valeur vers la fin de son étude où à la fois il part de l’évidence mais en transforme la portée :
La voix unifie, rassemble le sujet ; son âge, son sexe, ses états. C’est un portrait oral. On aime une voix, ou elle ne vous dit rien. Éros est dans la voix, comme dans les yeux, les mains, tout le corps. La voix est relation. Par la communication, où du sens s’échange, elle constitue un milieu. Comme dans le discours, il y a dans la voix plus de signifiant que de signifié : un débordement de la signification par la signifiance. On entend, on connaît et reconnaît une voix – on ne sait jamais tout ce que dit une voix, indépendamment de ce qu’elle dit. C’est peut-être ce perpétuel débordement de signifiance, comme dans le poème, qui fait que la voix peut être la métaphore du sujet, le symbole de son originalité la plus « intérieure », tout en étant historicisée. (p. 294)
L’évidence comme sens commun a sa propre validité, nous rappelle Meschonnic, mais la poétique est le travail de transformation de ce savoir en un non-savoir dont l’activité est source d’une valeur autrement plus décisive. En effet, le modalisateur hypothétique (« peut-être ») réalise ici comme bien souvent ailleurs dans les textes de Meschonnic la dissociation et le recroisement notionnels : « le débordement de signifiance » est l’opérateur qui permet de modifier à la fois la conception de la voix et celle du sujet qui auparavant construisaient le sens commun. L’intériorité est devenue un passage de sujet. L’originalité n’est plus une essence mais une force : « la voix est une force, autant qu’une matière, un milieu. Elle a une efficacité. Comme la signifiance du rythme et de la prosodie. Elle est à la fois naturelle et dépasse l’entendement » (p. 294). Meschonnic élargit ainsi considérablement l’attention qu’il faut apporter à ce que fait la voix à la littérature et plus généralement au langage par le poème : non seulement il fait le pari de rester à l’écoute de ce qui est souvent de l’ordre de l’imperceptible relationnel – « le lien qu’on ne voit pas est plus fort que celui qu’on voit[20] », écrit-il dans un de ses derniers ouvrages – mais il oblige à concevoir le continu de l’activité de la voix sans jamais séparer ce qui la constitue, ce qu’elle constitue et ce qui même la porte plus loin qu’elle-même.

L’épopée et la voix : la relation de la relation
C’est précisément à ce point de basculement que commence mon troisième point d’appui pour une théorie de la voix à partir de la Critique du rythme après celui du dialogisme et celui du sujet relationnel : celui de la relation de relation.
La dimension pragmatique de la voix est bien connue des ethnologues[21] mais on ne peut la réserver à une préhistoire de l’oralité[22]. Mallarmé savait qu’une « divination » porte le texte dès que poème : « L’air ou chant sous le texte, conduisant la divination d’ici là, y applique son motif en fleuron et cul-de-lampe invisibles[23] ». Autrement dit, « l’historicité de la voix inclut celle de l’écriture » et pas seulement celle des parlés ou des dictions, et Meschonnic y insiste : « Tout ce qui déshistoricise l’une, déshistoricise l’autre » (p. 296). C’est pourquoi l’oralité constitue un enjeu décisif : sa théorisation comme sa pratique et son écoute, son anthropologie comme sa poétique et sa politique. C’est là que les déshistoricisations sont en permanence au travail pour éviter d’effectuer un « saut épistémologique » décisif qui, pour Meschonnic, passe par le fait que « le rythme comme sémantique, et oralité, est une subjectivation spécifique du langage »   (p. 660). L’incise (« et oralité ») est ici décisive pour la théorie et la pratique de la voix avec le poème : hors de tout physiologisme parce qu’activité de l’ordre d’une sémantique, Meschonnic pose que « la voix, non la respiration, est la matière de l’oralité » (p. 660). Alors la voix revient, par le poème, au langage, au corps-langage. Elle en est l’activité constitutive. À une condition décisive, celle de « travailler à sa narrativité propre. À sa prose » (p. 504), précise Meschonnic.
Il ne s’agit pas pour autant, de rendre la voix du poème au récit ou à son narrateur. Partant du rapport décisif entre le dit et le dire et donc entre la voix et l’épopée que rappelle Meschonnic à partir de ses traductions bibliques mais aussi en prenant appui sur le début du De Interpretatione d’Aristote (non « les sons émis par la voix » de la traduction de Tricot[24] mais « ce qui est dans la voix »), il ouvre à la notion de récitatif ou de phrasé que peut-être celle de « racontage[25] » élargit non vers une éventuelle réception mais vers une activité relationnelle de la poéticité, croisant la vocalité et l’écoute dans une histoire de passage de voix ainsi que Walter Benjamin l’a esquissée dans son étude sur Leskov[26]. Toutefois Benjamin par le ton apocalyptique qu’il aime donner à ses études tire cette « narration » vers le muthos qui, comme le rappelle Meschonnic, « chez Homère, désigne le contenu des paroles » quand ce dernier engage l’epos, la voix au sens où « les epea sont les paroles de l’épopée[27] ». Il me semble toutefois qu’il y aurait erreur à dissocier le dit du dire tout en sachant bien que la critique de Meschonnic est décisive et que le primat du dire est au principe même du poème comme activité transsubjective et même hypersubjective. Si l’epos doit emporter le muthos, c’est peut-être par ce que j’aime appeler la relation de la relation où les sémantiques actives de la narration, qu’il faut bien entendre comme un déverbal, et du rapport intersubjectif s’augmentent mutuellement.
Ce troisième point d’appui exclut par conséquent tout héroïsme du sujet pour lui préférer jusque dans sa faiblesse, sa déhiscence même, la voix comme invention d’une oralité, relation de relation, sujet devenant sujet par un autre sujet dans et par la « prose en action, et non en récit », comme disait Boris Pasternak, c’est-à-dire comme l’indique Meschonnic, « passage du "fait organique", du vivant, dans le langage[28] » (p. 460-461). Passage de voix et voix passante : relation de relation. Ou encore, voix dans la voix car l’interaction la plus forte de la relation narrative et de la relation intersubjective est la condition d’une pluralisation interne de la voix, de son échoïsation au sens donné par l’hébreu pour lequel l’écho est la fille de la voix[29]. Une seule parenthèse de Mallarmé, dans son « autobiographie » à Verlaine du 16 novembre 1885, rejouerait cette dernière métaphore étymologique : « (à côté de mon travail personnel qui, je crois, sera anonyme, le Texte y parlant de lui-même et sans voix d’auteur[30]) ». Cette confidence, dans une notice biographique envoyée au poète des Romances sans paroles, pointe le continu du personnel et de l’anonyme pour faire entendre l’écho de ce qui reste sans voix… Mais « le Texte » n’est-il pas pure oralité ?

Le poème, la forme : la voix, la vie
Si Critique du rythme depuis sa publication en 1982 constitue un opérateur décisif pour la pensée du poème, c’est qu’il rassemble sous la pointe la plus critique, la notion de rythme – cette prise critique à partir d’une notion véhiculaire souvent laissée à l’impensé –, un mouvement de conceptualisation qu’avait commencé l’ensemble des publications de Meschonnic chez Gallimard depuis 1970 et que cette « anthropologie historique du langage », dont c’est le sous-titre, permettait alors de relire comme une expérience théorique d’envergure. De la « forme-sens » qu’on oublie d’accoupler à la « forme-histoire[31] » au rythme, c’est une critique du signe qui s’est écrite dans et par l’activité inlassable d’un grand lecteur, passant au crible les publications de maints domaines, et d’un poète et traducteur pensant ses expériences multiples comme éléments de cette anthropologie historique du langage. Toutefois, c’est dans son prolongement que la notion de poème a relancé le mouvement de conceptualisation dans un ouvrage qui a pris le titre éponyme[32] d’une préface non publiée à la traduction des poèmes de Marina Tsvetaieva par Ève Malleret[33], une participante au séminaire de poétique que Meschonnic dirigeait à Paris VIII-Vincennes et qui partageait avec ce dernier une même connaissance et certainement une même passion pour le domaine russe. Ce dernier est pour Meschonnic, s’agissant particulièrement de poésie, le témoin d’un « ratage » (p. 261), d’un « non-rapport » (p. 260) entre deux traditions, la russe et la française. Je laisse ici toute la réflexion sur « ce non-rapport » qui « ne préjuge pas des possibles » : « le retard de la bouteille à la mer » que Meschonnic avait senti avec Mailleret et qui s’est depuis lors confirmé avec bien des travaux de retraduction, de relecture et de reconsidération mutuelles entre les deux domaines culturels et linguistiques russe et français[34] : il semble bien que désormais nous ne nous arrêtons plus « à une information sans voix » (p. 266). Et je retiens donc l’exemple au sens presque de la légende que Meschonnic montre avec la poésie de Tsvetaieva qui effectue « un débordement de la tradition par outrance » puisque dans ses poèmes, « la rime mange les mots » (p. 266) ou encore, « l’air porte les paroles » (p. 267) – remarque que Meschonnic tient certainement de sa lecture de Clio de Péguy. Mais ici je me contente de signaler seulement ce qui va permettre une poussée du « poème » dans la conceptualisation. Meschonnic note d’ailleurs qu’« en prose comme dans les vers », chez Tsvetaieva, « c’est une pensée par la rime, de rime en rime » (p. 269) ; c’est-à-dire que « la rime finit par devenir non plus matière seulement, mais sujet du poème »       (p. 270). C’est pourquoi, comme « Tsvetaieva est une figure de la poésie où la rime et la vie se sont rejointes en une même matière de langage » (p. 270), Meschonnic arrive à cette formulation décisive : « La rime-rythme apparaît comme une forme de vie » (p. 271). Cette formulation se renverse plus loin en celle-ci, montrant le continu d’une matière et d’une forme, l’une dans et par l’autre : « La rime-vie fait de la vie une écoute » (p. 272). La glose immédiatement antérieure  (« La poésie et la vie dans une indistinction antérieure à leur séparation, et qui pourtant passe par la technicité du langage », p. 272) prépare la conclusion que cet essai a progressivement construite : « La rime est une éthique » (p. 273). Car c’est par cette tautologie (je renverse la formule : l’éthique du langage, c’est la rime) issue de l’empirique du poème-Tsvetaieva dont le « cri » (p. 268) n’est pas sans échos et résonances dans le poème-Meschonnic, que la pensée Wittgenstein abouchée à la pensée Humboldt a permis à Meschonnic la formulation sans cesse rejouée de ce que fait un poème dans son anthropologie historique du langage : « une forme de vie transforme une forme de langage, une forme de langage transforme une forme de vie, les deux inséparablement[35]. »
C’est en effet par Wittgenstein[36] que les notions de « formes de vie » (Lebensform) et de « jeux de langage » ont été associées : « se représenter un langage signifie se représenter une forme de vie » (§ 19) et « le parler du langage fait partie d’une activité ou d’une forme de vie » (§ 23). D’aucuns font osciller la notion de forme de vie du naturalisme au culturalisme et inversement en considérant deux niveaux ou deux faces de la notion, ce qui revient à maintenir un dualisme anthropologique hors langage alors même que l’intention est de dépasser l’antinomie traditionnelle que beaucoup renforcent en choisissant un terme contre l’autre[37]. Ce que ne fait pas Meschonnic. Le point de vue qu’il engage dans son anthropologie n’est pas celui de la représentation, du schème signiste, mais celui de l’activité transformatrice et donc du paradigme du discours : « le langage pris comme du continu, comme une physique du signifier, est d’abord oralité » (p. 243) ou autrement dit, « le je généralisé comme organisation de discours, son historicité radicale » (ibid.). C’est donc comme « forme-sujet » que le poème invente une interpénétration des formes de vie et des formes de langage, où la forme de vie fait langage et la forme de langage fait vie, que Meschonnic oblige à penser le spécifique de cette activité au cœur d’une anthropologie relationnelle :
C’est pourquoi, pour penser la poésie, le poème, il y a à repenser tout le langage, et tout le rapport entre le langage, l’art, l’éthique et le politique. Le continu. Le rythme. Le sujet du poème. La pensée poétique comme transformation de la poésie par le poème, forme-sujet.[38]
Ce qu’il faut reprendre à son principe actif : un universel que l’empirique ne cesse de travailler, de multiplier, de porter à une dimension d’infini par ce qui « échappe » :
Parce qu’il s’agit toujours de signifiance avec le langage. Même et peut-être surtout quand le sens échappe, ou qu’il est perdu. Ce qui échappe est une force. Cette force est du sujet. Une historicité. Parce qu’elle est nécessairement le passage d’un sujet à un autre sujet, ce qui les constitue sujets. Faisant du poème l’allégorie du sujet[39].
Aussi, la voix-relation comme poème est-elle peut-être aussi l’allégorie de ce que Dominique Rabaté limite au « roman moderne » mais que j’étendrais à toute « grande forme globalisante » – qui ne se mesure pas au nombre de pages ou à quelque autre unité discrète – faisant apparaître ce qu’il appelle « le sens de la vie » :
[…] la possibilité de continuer avec endurance à donner une forme à ce qui résiste du côté de l’informe et du chaos, à inventer de nouvelles configurations pour ce qu’aucun regard ni aucune langue ne sauraient arrêter[40].



[1]. H. Meschonnic, Célébration de la poésie, Lagrasse, Verdier, 2001, p. 249.
[2]. L. Jenny, « Une difficulté dans la pensée du style », Critique n° 752-753 (« Du style ! »), Minuit, janvier-février 2010, p. 36-46. Cet article rend compte du livre de Philippe Jousset, Anthropologie du style, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2008. Je me contente dans ce qui suit des remarques de Jenny concernant Critique du rythme (Lagrasse, Verdier, 1982) puisque Jenny y consacre presque la moitié de ses remarques et qu’il rappelle sa récente reprise en poche, signalant donc son « actualité ». Toutes les citations de Jenny renvoient à ces pages. Les indications de pages entre parenthèses renvoient à Critique du rythme.
[3] Je me permets de rappeler les deux ouvrages issus de ces premiers travaux : L’Amour en fragments. Poétique de la relation critique (Arras, Artois Presses Universitaires, 2004) et Langage et relation. Anthropologie de l’amour (Paris, L’Harmattan, 2005).
[4]. F. Dubor et C. Triau (dir.), La Licorne n° 85, revue citée. Les citations qui suivent renvoient à l’« Avant-propos / Monologuer / Pratiques du discours solitaire / au théâtre », p. 7-17 signé des directeurs.
[5]. F. Dubor, « "L’espace d’une voix désolée" / (La séparation des songes, / de Jean Delabroy) / Entretien avec Jean Delabroy » dans F. Dubor et C. Triau (dir.), La Licorne n° 85, revue citée, p. 221-229. Les citations vont à ces pages.
[6]. Il s’agit du onzième chapitre (p. 447-457) de l’important essai « Prose, poésie » (p. 391-518) dans Critique du rythme, op. cit.
[7]. Les remarques précises pour le roman faites par Dominique Rabaté dans son chapitre « Bakhtine chez Beckett et Bernhard (voix, idée et personnage dans la théorie dialogique ) » (dans Poétiques de la voix, Paris, Corti, 1999, p. 225-245) rejoignent la critique de Meschonnic, lequel sait gré à Bakhtine de son dialogisme fondamental que la vulgate a effacé au profit du « dialogisme romanesque » (vs. le monologisme poétique), lequel oblige à tenir pour unitaire la voix d’un personnage et ses idées alors même que cette « théorie personnaliste de la voix résiste difficilement à l’épreuve des textes plus sombres et destructeurs » comme écrit Rabaté, p. 244.
[8]. Meschonnic fait une critique précise de la théorie bakhtinienne aux p. 448-455 auxquelles je renvoie pour le détail.
[9]. Le soulignement est de Meschonnic.
[10]. Sur le dialogisme comme activité relationnelle au cœur du langage, je renvoie à Langage et relation.
[11]. « Force » que Rabaté (op. cit., p. 245) note chez Bahktine comme un « au-delà de la forme » d’un texte. Mais « la forme » gagnerait à ne pas rester prise dans le statisme d’une topique d’autant que la séparation force/forme et son éventuel dépassement hégélien (« mise en forme théorique, l’obligeant constamment à se dépasser elle-même », ibid.) renvoie trop à une doxa du fond et de la forme, d’un cadre et d’un hors-cadre, d’une norme et d’un écart.
[12]. W. von Humboldt, Introduction à l’œuvre sur le kavi et autres essais, trad. Pierre Caussat, Paris, Seuil, « L’ordre philosophique », 1974, p. 73. Je me permets de renvoyer à ma thèse et à son chapitre 17 (« La volubilité : une force amoureuse ») et plus particulièrement aux « six principes de la volubilité » tirés du mémoire de 1820 publié seulement en 1906.
[13]. F. Dubor et C. Triau (dir.), « Avant-propos / Monologuer / Pratiques du discours solitaire / au théâtre », La Licorne n° 85, revue citée, p. 15. Je n’ai pas mentionné dans cette réflexion l’ouvrage dirigé par Jean-Pierre Ryngaert, Nouveaux Territoires du dialogue (Arles, Actes Sud / CNSAD, 2005) qui bien évidemment vient en contrepoint du précédent. Il m’aurait fallu aussi mentionner le numéro double 31 et 32 (« Dialoguer, vers un nouveau partage des voix ») de la revue Études théâtrales (2004 et 2005). Dans Nouveaux Territoires, Jean-Pierre Sarrazac qui a coordonné ce numéro de revue reprend sa thématique du « partage des voix » (p. 11-16) qu’il emprunte d’ailleurs à Jean-Luc Nancy (Le Partage des voix, Paris, Galilée, « Débats », 1982). Sarrazac s’inscrit dans la problématique bakhtinienne pour voir dans le théâtre contemporain une « reconfiguration du dialogue dramatique » qui « se dialogise » parce qu’il organise « la confrontation dialogique de ces voix singulières » y compris de celle du « sujet rhapsodique » plutôt qu’« épique », selon sa proposition en regard de la Théorie du drame moderne (Lausanne, L’Âge d’homme, 1983) de Peter Szondi. J’aime beaucoup ses réflexions mais je suis en désaccord avec sa lecture de Maeterlinck qui parlant d’un « autre dialogue » n’a jamais suggéré que ce dernier « exprim[ait] l’"ineffable" », comme dit Sarrazac, – et alors nous ne serions plus de ce « temps » : « c’est la qualité et l’étendue de ce dialogue inutile qui déterminent la qualité et la portée ineffable de l’œuvre » affirmait Maeterlinck (« Le tragique quotidien », dans Le Trésor des humbles, Bruxelles, Labor, 1986, p. 107).  Sarrazac réitère doublement un dualisme et des deux dialogues et des deux époques mais tout comme Sarraute et Vinaver que Sarrazac évoque, Maeterlinck ne conçoit pas « un dialogue au second degré », il vise le continu du sens et de la signifiance et même la portée du premier par la seconde. En fin de compte, il ne s’agit pas d’un partage des voix – et je prends ici mes distances avec Nancy qui oriente toute la réflexion de Ryngaert dès sa préface, p. 5, et donc l’ensemble du livre collectif : logiquement Ryngaert parle du « tiers spectateur » (p. 6) quand il faudrait concevoir quelles que soient les formes théâtrales, adressées ou pas, un spectateur-acteur comme le suggère Claude Régy dans tous ses écrits (par exemple : Au-delà des larmes, Besançon, Les Solitaires intempestifs, 2007) – mais d’une autre écoute : tout le sens de cet essai.
[14]. Voir, entre autres, les actes du colloque de juin 1988 recueillis par Michel Collot et Jean-Claude Mathieu (dir.), Poésie et altérité (Actes du colloque de juin 1988), Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 1990, p. 7. J’ai fait une lecture critique d’une des contributions, celle de Georges Nonnenmacher (« Poésie, relation et altérité ») dans Langage et relation, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 94-96.
[15]. La notion de « fonction de sujet » est référée aussi à Michel Foucault. Voir, entre autres, Politique du rythme Politique du sujet, op. cit., p. 241.
[16]. Citation qui situe avec pertinence l’essai « Le poème et la voix » (p. 273-296) de Critique du rythme.
[17]. Cela commencerait significativement dans les revues par Poétique n° 102, avril 1995, Seuil [comprend un dossier « La parole et la voix », p. 131-192]. Pour d’autres références, je renvoie à la bibliographie très utile donnée par Jean-Pierre Martin à la fin de son ouvrage La Bande sonore, op. cit., p. 287 – Martin ne signale pas ce numéro de Poétique.
[18]. Ibid., p. 293 et 294. Voir également p. 648-651.
[19]. H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception (textes de 1972 à 1974), trad. C. Maillard revue par l’auteur, préface de J. Starobinski, Paris, Gallimard, « Tel », 1978. Il faudrait évaluer les différences entre les travaux de Jauss et la doxa qui domine les études littéraires scolaires – voir, entre autres, Le Français aujourd’hui n° 160 (« La critique pour quoi faire ? »), mars 2008.
[20]. H. Meschonnic, Dans le Bois de la langue, Paris, Laurence Teper, 2008, p. 80-81.
[21]. Voir, par exemple, N. Belmont et J.-F. Gossiaux, De la Voix au texte. L’ethnologie contemporaine entre l’oral et l’écrit, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1997 – il s’agit des actes du 119e congrès des sociétés historiques et scientifiques (section anthropologie et ethnologie françaises) à Amiens en octobre 1994.
[22]. Je ne réduis pas pour autant les travaux ethnologiques à cette préhistoire même si la grande majorité d’entre eux attentifs au langage n’en font pas la critique jusqu’à une poétique. Voir, par exemple, les travaux passionnants de Denis Laborde (La Mémoire et l’instant Les improvisations chantées du bertsulari basque, Bayonne, Elkar, 2005) et de Francis Zimmermann (voir son séminaire de 2004-2005 en ligne à cette adresse : http://www.archivesaudiovisuelles.fr/341/liste_conf.asp?id=341).
[23]. S. Mallarmé, Œuvres complètes, op. cit., p. 387.
[24]. Aristote, Catégories, De l'interprétation, Organon I et II, tr. J. Tricot, Paris, Vrin, 1984, p. 89-90.
[25]. Voir Quelle littérature pour la jeunesse ?, Paris, Klincksieck, « 50 questions », 2009.
[26]. W. Benjamin, « Le narrateur » dans Écrits français, intr. et notices de Jean-Maurice Monnoyer, Gallimard, « Folio essais », 1991, p. 264-298. Voir également « Le Conteur », traduction de la version allemande par Pierre Rusch dans Œuvres III (Paris, Gallimard, « Folio essais », 2000, p. 114-151).
[27]. H. Meschonnic, Politique du rythme Politique du sujet, op. cit., p. 358-359.
[28]. Meschonnic donne le texte à partir du russe (B. Pasternak, intervention au 1er Congrès des écrivains soviétiques le 29 août 1934). Pasternak parle de « la prose pure dans sa tension de transfert » et Meschonnic précise « non la traduction » mais « le transfert, la transmission » : ce dernier terme suggère très précisément la valeur relationnelle de cette « voix de la prose », voire la notion de « racontage ».
[29]. Voir Critique du rythme, op. cit., p. 293.
[30]. S. Mallarmé, Œuvres complètes, op. cit., p. 663.
[31]. Il écrit : « C’est l’œuvre unité de vision syntagmatique et l’œuvre unité de diction rythmique et prosodique –, système et créativité, objet et sujet, forme-sens, forme-histoire » dans Pour la poétique, Paris, Gallimard, « Le Chemin », 1970, p. 62.
[32]. H. Meschonnic, « La rime et la vie » dans La Rime et la vie (1989), Gallimard, « Folio essais », 2006, p. 247-273. J’indique dorénavant seulement la page.
[33]. M. Tsvetaieva, Tentative de jalousie, trad. et intro. d’Ève Malleret, Paris, La Découverte, 1986. La même avait participé à l’équipe dirigée par H. Meschonnic pour la traduction collective avec Anne Fournier, Bernard Kreise, et Joëlle Young de Iouri Lotman, La Structure du texte artistique, Paris, Gallimard, 1973.
[34]. Il suffirait d’évoquer les nombreuses traductions d’André Markowicz. Je garde un souvenir très fort de l’atelier de traduction sur scène, sans notes ni livres, des poèmes de Tsvetaieva par Markowitz un dimanche matin (le 4 décembre 2005) au théâtre de la Colline.
[35]. H. Meschonnic, Célébration de la poésie, op. cit., p. 35.
[36]. L. Wittgenstein, Investigations philosophiques (1945), trad. Pierre Klossowski, Paris, Gallimard, « Tel », 1986.
[37]. Voir la revue de travaux de Fabrice Clément, « Une nouvelle "forme de vie" pour les sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales, XXXIV, 106, p. 155-168. Ma critique de Vincent Descombes figure dans ma thèse au début de la seconde partie.
[38]. H. Meschonnic, Célébration de la poésie, op. cit., p. 216.
[39]. H. Meschonnic, La Rime et la vie, op. cit., p. 246.
[40]. D. Rabaté, Le Roman et le sens de la vie, Paris, Corti, « Les essais », 2010, p. 18.



S’arrêter sans arrêt

« S’arrêter sans arrêt », Triages, supplément 2012 (« D’écrire j’arrête »), juin 2012, p. 46-51.








La comptine comptait dans sa voix (hommage à Bernard Vargaftig)

« La comptine comptait dans sa voix », Résonance générale n° 5, été 2012, p. 108-109.






Jondura jondura de Yann Miralles

Recension de Jondura jondura de Yann Miralles (éditions Jacques Brémond, 2011) dans Résonance générale n° 5, été 2012, p. 115-116.



Nous (r)irons en Laponie

« Nous (r)irons en Laponie », Résonance générale n° 5, été 2012, p. 91-95.