mercredi 20 janvier 2010

Bibliographie et biographie critique de Serge Ritman



Serge Ritman (de son vrai nom Serge Martin) est un poète français né en 1954 à Cholet (Maine-et-Loire).
Il a commencé à publier tardivement mais son écriture d'emblée placée sous le signe des commencements (En Herbe) porte devant elle une enfance à la fois innocente et malicieuse. Ce qui fait tout l'intérêt de ce travail dans l'époque. La diatribe sociale n'est jamais éloignée de la déclaration amoureuse mais l'une et l'autre n'ont de sens qu'en s'incorporant dans le mouvement relationnel d'un "je-tu" infini. C'est qu'une telle poésie est d'abord éthique et par là politique avant d'être l'affirmation d'une maîtrise ou d'une quête formelles. Le langage pour ce poète est d'abord la recherche de la vie, du vrai de la vie plus que de la vraie vie. Les titres font alors un parcours marquée par autant de reprises que de "muances" (Montaigne). On peut reprocher à cette écriture d'être discursive, de penser sans cesse sa situation ou au contraire de s'oublier, de se perdre même dans le vertige. C'est ce paradoxe qu'elle tient justement dans son mouvement, dans son passage. On peut alors douter qu'une telle poésie rencontre vraiment un accueil favorable dans le paysage contemporain puisque ce dernier n'est constitué que de places et d'étiquettes. Mais n'est-ce pas la fonction du poème que de renverser les assises...

Citations

Il y a deux bouches qui cherchent la hauteur
et seul le temps des lèvres trouve
il y a deux yeux qui cherchent la profondeur
et seul le temps des silences sait
les deux mains ferment les yeux
et touchent le noyau qui roule dessous
l’amour jusqu’à la fin de l’orbite
déjà la mort tourne si bas dans un battement
les cils de tes lèvres
(extrait de Éclairs d’œil)

Bibliographie

  • Lavis l’infini(e) avec des lavis or et argent de Colette Deblé (éd. De, 1996)
  • En Herbe avec des lavis de Maria Desmée (éd. Le Dé bleu, 1997)
  • Rossignols & Rouges-gorges (éd. Tarabuste, 1999)
  • A Jour avec des lavis de Ben-Ami Koller (éd. L’Amourier, 2000)
  • Illyriques (éd. Voix-Richard Meier, 2000)
  • Scènes de boucherie (éd. Rafael de Surtis, 2001)
  • Ta Résonance avec des lavis de Colette Deblé (éd. Océanes, 2003)
  • De l’air (éd. l’épi de seigle, 2003)
  • Ta Manière noire avec des lavis de Laurence Maurel (éd. L’Attentive, 2004)
  • Non mais ! avec des collages de Danielle Avezard (éd. Tarabuste, 2004)
  • Ma Retenue, petits contes en rêve avec des peintures de Ben-Ami Koller (éd. Comp'Act, 2005)
  • « Correspondances et circonstances, Trois petits contes en lettres » dans Ciel nocturne, Douze poètes et nouvellistes bulgares et français (Paris/Caen, L’Inventaire, Association « Balkans-Transit », 2006) – ouvrage bilingue bulgare/français.
  • Éclairs d’œil, avec des lavis de Laurence Maurel (éd. Tarabuste, 2007)
  • À l’heure de tes naissances, avec des lavis de Laurence Maurel (éd. L’atelier du grand tétras, 2007)
  • Ton nom dans mon oui, avec une couverture de Ben-Ami Koller (éd. publie-net, 2010)
  • Claire la nuit, avec des lavis de Laurence Maurel (éd. L'atelier du grand tétras, 2011)
  • Des vidages dans ta voix sortie d'usine (éd. Contre-allées, "poètes au potager", 2013)
De nombreux livres d'artistes avec Danielle Androff, Paul Badin, Li Baoxun, Aaron Clarke, Caroline Dayot, Colette Deblé, Eric Demelis, Tamar Kasparian,  Solange Knopf, Ben Ami Koller, Laurence Maurel, Max Partezana.

Sur Serge Ritman
Dumitra Baron et Delphine Laurenti de l'Université de Nice ont réalisé une étude d'ensemble en 2004 : « Serge Ritman ou le battement du poème », revue électronique Loxias n° 6Leur conclusion :
"En somme, le battement du poème fait écho à une langue de l’intervalle et du passage. Dans les poèmes de Serge Ritman, où la langue reste ouverte au passage, la poésie s’écrit « entre » (...) Une “ poétique ” de l’intervalle où rythme et résonance participent au passage entre la vie et l’écriture".
  • Extrait d'une note de lecture de Alain Freixe sur À jour parue dans Europe :
"À jour est un livre au bâti sûr et discrètement présent. Nous avons parlé de bégaiement, de procédés de découpe, d'une ponctuation totalement absente, d'une mise en vers, de vers mis en poèmes, 14. Parlons maintenant des 38 poèmes qui composent ce livre. 2 fois 19, plus un poème de 7 vers qui sépare ces 2 volets. Poème-césure qui certes coupe mais maintient ouverte la coupure. Et la garde ainsi vivante. En cela, il articule et rive l'un à l'autre ces 2 blocs de textes. Porte à 2 battants. Si le premier volet s'achève sur la perte de "l'aura", pour le dire en termes benjaminiens, puisqu' « on ne / Voit pas les auréoles sur les passants», le second s'ouvre sur « l'inconnu » au loin. Ailleurs que l'on ne voit pas et où vont ces paroles que nous ne saurons pas et que le vent des mots de Serge Ritman a poussé là-bas. Ici même pourtant mais de l'autre côté. Là où ça penche."

  • Note de lecture de Henri Meschonnic sur le livre Ta Résonance dans Aujourd’hui poème (n°47, janvier 2004) :
"Il y a une ivresse des mots chez Serge Ritman, auteur de déjà une bonne huitaine de livres de poèmes. Poète de la relation amoureuse qui invente sa manière de se dire avec une sorte de jubilation communicative, qui semble précipiter le débit, dans une volubilité qui charge sa parole où se presse le désir : « dans toutes ces / résonances de ton corps qui s’infinit / tes yeux et gestes / multiplient l’instant / qui a toujours été sera » (p.11), ou : « une femme me traverse / comme ta voix » (p.12). Séquences brèves qui se succèdent sous l’épigraphe heureuse et rare du poète russe Annenski : « L’impossible est tout ce que j’aime ». Puis un poème plus long tout mêlé de Chagall et du Cantique des Cantiques, le Chant des chants, et qui se découpe sur des lavis de Colette Deblé, reproduits dans le livre. J’aime ce qu’il y a de cosmique dans l’érotisme de ces poèmes : « Avant que les nuages se retirent la lumière est là pour être prise sur ta bouche. Dans la mer et avec la brise que les nuages font, elle monte la lumière dans tes yeux. Tu les fermes ? » (p.63). Ils sont suivis de proses, au rythme entrecoupé, segments d’un dire sans commencement ni fin : « […] je veux dire que c’est bien quelqu'un d’autre que ce moi qu’en tout cas c’est quelqu'un qui ne sait pas qui il est et qui ne peut que se découvrir à ses risques et périls te trouver non dans les mots mais dans des paroles qui engagent une aventure pas plus prévisible que celle de nos corps mais l’incluant celle-ci et emportant et nos corps et notre histoire et nos paroles ces paroles qui nous tiennent même si on ne les tient pas je t’aime peut-être alors à ce moment d’abandon le poème comme ces rimes je tu » (p.67). Et il y a aussi du rire, et il sait jouir de la truculence, constamment dans l’imprévisible et les déraillements d’une voix qui travaille à se découvrir, à dire « l’infini de la relation » (p.105), « l’inconnu de la relation » (p.110). C’est à la fois extraordinairement défait, disjoint, et tenu : « les poèmes / – ne racontent pas / greffent en crise » (p.121). Un tempérament. Ça ne s’oublie pas. Allez écouter un peu cette résonance."

  • Laurent Mourey a écrit dans Le Français aujourd'hui (n° 158, septembre 2007) sur Éclairs d'œil, voici sa conclusion :
"Mais qu’est-ce que le langage fait de la vision et de la vue ? Voir a le primat sur le vu, un peu comme le dire sur le dit. Voir est critique, parce qu’il est à penser du coté d’une subjectivité en activité. C’est autre chose avec la vue : « les vues sans voir n’approchent rien. » / […] la vérité de la vue étant dans la vérité / du voir il s’ensuit que d’aucuns / pensent toujours voir quand ils ne font / qu’avoir une vue ou changer de lunette. » (p. 91) Oui, le langage est critique : « Ce sont des lunettes sans yeux : / des poètes sans langage. » (p. 92) Voir est du parti de l’activité, de la subjectivation. De fait il est l’opérateur de la relation, avec et dans le langage. Ce que montre le poème p. 54 : « Il y a deux bouches […] deux yeux […] deux mains […] l’amour […] les cils de tes lèvres » ou encore « le temps des lèvres » / « le temps des silences ». Dans le poème p. 55, ce sont aussi ton repos dans mes yeux et l’intimité du langage amoureux que l’on entend, où « à vue d’oeil » est la manière de répondre, parler côtoyant donner, entendre, demander. Le poème et le langage font donc un voir spécifique : le voir qui est celui de l’écrire Ritman. Les Éclairs d'œil ne sont pas une représentation ou une mimesis ; ce sont les éclairs de l’œil du poème qui donne à voir au sens d’Eluard : ils donnent à entendre ce qui passe de langage quand on écoute le monde – et ce que l’on voit. Nos visions sont traversées de langage. Elles sont de langage. Ces Éclairs d'œil sont des relais pour penser le poème, « le chant des yeux » (p. 52). Pour cela, il s’agit de n’avoir ni les yeux ni la langue dans sa poche et de sortir « les mains de tes poches. » (p. 41). Ces Éclairs d'œil opèrent une radicalité, celle de l’écoute et de la vision par le poème, ce qui est, une fois de plus, un geste qui ne laisse rien à sa place. L’oiseau chante et, chantant, il renverse nos vues. Le poème final dit bien ce qu’il fait : jamais il ne la fermera, « sa goule au vent d’une chute » (p. 107) Oui, le poème final fait ce que fait chaque poème de ce poème : l’ouvrir en grand pour ouvrir encore dans tous les sens et tout déplacer avec. Ainsi, l’écoutant, « Vous ne l’attraperez pas. […] il ne demeure ». C’est que « l’intempestif du poème ne s’apprend pas comme un métier, ne se programme pas avec une technique fut-elle poétiquement correcte. » (p. 106)


Liens externes

source: http://www.biographie.net/Serge-Ritman

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